Ce jour, Joe Biden deviendra le 46e POTUS tandis que Donald Trump s’installera en Floride.
Une capitale transformée en camp retranché où des soldats, certifiés compatibles par le FBI, seront le public. Quatorze jours après l’invasion du Capitole où une fraction fut à deux doigts de s’emparer des enveloppes des grands électeurs, les Etats-Unis restent sur le qui-vive, l’illustration d’une prestation de serment entourée d’armes n’est pas précisément le signe d’une situation douce et sereine.
Joe Biden à Washington, Donald Trump à Mar-à-Lago, deux camps, deux antipodes. Les plus embêtés sont les républicains. Si certains d’entre eux dès la mi-décembre ont quitté le navire de celui qui a réuni prés de 75 millions de voix, le parti républicain est devant un choix risqué face à la destitution de Donald Trump. Ou bien ils y souscrivent au risque de perdre une part plus que considérable de soutiens et de considération, ou bien ils s’y opposent et seront l’objet de la vindicte permanente GAFA-médiatique. Selon leur choix également, sera en jeu l’avenir de Donald Trump : ou bien ils l’érigent en martyr en l’abandonnant ou bien ils ne lui interdisent pas dans les faits de revenir à la primaire en 2024.
Que va faire Donald Trump ? D’abord accuser le coup. L’homme est riche encore, dispose de la cagnotte de la campagne soit 300 millions de dollars et il est têtu. Les affaires judiciaires qui pourront s’abattre sur lui feront qu’il restera de facto un homme public et que par conséquent il tiendra tribune ce qui lui permettrait de peser sur les républicains qui n’ont plus d’yeux désormais que pour les mid-term.
Cet embarras de l’adversaire sera, sans doute, une respiration pour Joe Biden et son équipe « obamaniste ». On y parle même pour qualifier ce mandat de restauration. C’est intéressant car cela veut dire que la vraie légitimité est de retour, que ce qui a conduit à son effacement était le fait d’une illégitimité. Mais en politique les restaurations ne fonctionnent pas pour une raison simple : elles rétablissent un passé. Elles sont un arrêt sur image qui masque le bouillonnement des nouvelles forces.
Cela étant dit, peut-on parler de restauration dans le cas présent ? C’est plus un retour aux manettes d’un parti politique qui a l’écoute et le soutien d’une fraction de l’autre qui a considéré 2016 comme un moment malséant. En l’espèce les idées des Bush (républicain), des Clinton, d’Obama sur fond de néo-conservatisme progressiste offensif tant à l’intérieur qu’à l’extérieur (mondialisme), forment aujourd’hui un ensemble qui a encore sa logique et, surtout, sa puissance, financière, logistique (réseaux sociaux, médias…etc). Novembre 2016 a été un choc, un étonnement et aussitôt une haine autant contre un homme Donald Trump que contre ceux qui l’approuvèrent et son expulsion de même que ses supporters est le sommet de violence et de haine et aussi d’une radicalité adressée à tout le monde y compris à l’Etat fédéral.
Même si le mandat de Donald Trump est aujourd’hui inaudible, en raison de sa diabolisation quotidienne, il trace un sillon agrarien appelé à grandir ou à tout le moins à se bâtir. En face, on estime que Trump est un virus contre lequel on vaccinerait le plus grand nombre, c’est cette pandémie qu’il faut vaincre. Mais demeure cette « fraude », un autre virus contre lequel on cherche le vaccin. Il est trop tôt, car on est dans la chaleur des confrontations, pour savoir si oui ou non fraude générale il y eut. Il reste le soupçon qui pèsera nécessairement et assurera la solidité trumpiste. Demeurera aussi, ce candidat Joe Biden qui ne fit aucune campagne politique, aucun rassemblement populaire qui eut très peu de followers : un ballon gonflé ?
Face à la mandature progressiste de Joe Biden, Donald Trump apparait comme un conservateur mais dans les deux cas, ils ont des électeurs issus des minorités. Joe Biden ne peut pas se réclamer d’une adhésion des minorités, elles sont dans les deux camps. De même le progressisme si cher aux démocrates n’est pas leur monopole, il est partagé. En fait, la division profonde se situe entre les villes côtières et celles de l’intérieur. Deux façons de voir l’horizon, deux façons d’agir, deux engagements électoraux de presque égale force. La sécession électorale est là et elle grandira sur fond d’un nouvel agrarienisme. Sont mis en relief les limites du modèle fédéral : il n’est pas exclu que certains démocrates zélotes de l’autonomie des métropoles veuillent y toucher ouvrant un boulevard au camp d’en face.
Paradoxalement, le combat annoncé contre la Chine, en réalité, contre l’Asie, continuera à renforcer les antagonismes internes américains les uns pour protéger l’identité, les autres pour justifier une universalité messianique et les européens qui s’affolent de Joe Biden s’apercevront, un peu tard, que le conservatisme trumpien laissait une voie pour une étape vers une souveraineté…….
Le trumpisme prendra-t-il le chemin d’un nouveau parti agrarien ? Les événements extérieurs en décideront mais d’ores et déjà les socles sont présents. Reste à savoir si Donald Trump voudra repartir au combat (lui en donnera-t-on la possibilité ?) ou bien favorisera-t-il un successeur ou bien encore jettera-t-il le manche après la cognée ?
In fine, rappelons et soulignons l’importance des plaques systémiques entre les hésitations radicales et les tentations radicales qui habitent désormais les Etats-Unis.
Jean Vinatier
Seriatim 2021
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