Je me souviens, tout jeune emmené par mes parents dans un grand tour du Royaume-Uni qui me fit découvrir que la grande différence entre l’Angleterre et l’Écosse était le passage du drap en coton au drap en nylon, nous vîmes d’assez près le prince et son secrétaire, deux très beaux hommes qui se ressemblaient. Je me rappelle encore du geste du prince, de son sourire éclatant et de son allure juste avant qu’il ne monte dans son hélicoptère.
Ce Royaume-Uni que j’aime bien d’abord parce que ma mère y passa sa jeunesse avant d’aller à Chicago, ensuite, car l’identité y demeure d’une façon assez incroyable même si ici et là, les universités dégénèrent intellectuellement via la « cancel culture » et autres malfaisances venues de certains cercles américains. Ce Royaume-Uni , selon moi, le restera, a encore sa conscience historique solide (Brexit) et une aristocratie pour partie patriote ce qui n’existe plus chez nous.
Il est difficile d’écrire au sujet d’un prince consort ou à-côté de ou placé deux pas derrière la Reine, son épouse, sans rôle politique, pas même de conseil, jouissant seulement d’une préséance protocolaire. En fait on peut plus facilement placer le prince quand on l’aborde par ses ramifications européennes.
La vie du duc d’Édimbourg né en 1921 suit la tragédie européenne de l’entre-deux-guerres : d’abord familiale, quand son père, le prince André, rendu responsable de la défaite grecque face aux turcs est banni du royaume évitant de peu la condamnation à mort, le futur duc d’Édimbourg ira de place en place, balloté, ne voyant plus sa mère devenue schizophrène, remis sur pied par sa grand-tante Marie Bonaparte avec toujours en arrière-fond le drame, l’exécution de sa grand-tante à Iekaterinbourg en juillet 1918, la fuite devant la montée du nazisme en Allemagne, l’arrivée en Angleterre où son oncle Battenberg devenu Lord Mountbatten, le fait entrer dans la Royal Navy. Sans doute la guerre l'émergera de toutes les tristesses de ces premières années qui auraient pu le faire mélancolique au dernier degré : sa vigueur militaire, son face à-face avec la mort le tournèrent vers la vie et une aspiration plus haute. Étant né prince, la couronne devenait une marche supplémentaire évidente que sa beauté facilita auprès d’une jeune princesse, la future Reine Élisabeth II. Après quoi, il se fraya une place que son épouse lui fit alors que la Reine Victoria l’avait refusé à son adoré, Albert de Saxe-Cobourg y Gotha.
Ce Royaume-Uni qui perd un prince grec germano-danois, est le moment de nous rappeler que notre Europe s’est infiniment liée à toutes ses rivières dynastiques qui irriguèrent pendant des siècles les peuples et participèrent hautement à nos histoires nationales et impériales. Aujourd’hui, les dynasties, les dynastes règnent et se promènent et gardent une popularité car précisément écartés de tout acte gouvernemental, ils perpétuent une histoire, des mémoires et des nostalgies qui iront décroissantes les unions royales perdant leur caractère singulier dans une Europe muséifiant l’Histoire, adorant un mercantilisme effréné, sans frontière, un veau d’or tétant sans cesse.
Le duc d’Édimbourg et avec la Reine nous relient encore à ce monde très emprunt du XIXe siècle aujourd’hui énigmatique. Un parfum d’antan qui se réactivera lors des funérailles majestueuses en l’honneur de Philippe dynaste européen mais sans trône et duc d’Édimbourg d’une Écosse caressant une indépendance que l’Europe lui refuserait. Shakespeare n’aurait pas dédaigné dans un rôle le prince Philippe?.
Jean Vinatier
Seriatim 2021
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