Les Chiliens avec les Libanais, sont les deux peuples les plus sensibles au surgissement des Gilets Jaunes. Si les seconds n’en finissent pas de s’embourber dans une situation politico-sociale désastreuse où la France sait allier contretemps et maladresse, les premiers paraissent atteindre un objectif constitutionnel. En effet, les 15 et 16 mai les Chiliens voteront pour désigner celles et ceux qui rédigeront la nouvelle constitution afin de tourner complétement celle de Pinochet (1980) dite « Magna Carta ».
A partir d’octobre 2019, les lycéens, les étudiants descendirent dans la rue pour protester contre l’augmentation du prix des tickets de transport, un effet boule de neige qui aboutit à une insurrection. Une crise, autant sociale que politique, le souvenir de Pinochet (décédé en 2006) restant très présent. En octobre 2020, le gouvernement chilien soumet à un référendum l’approbation d’une assemblée constituante de 155 membres ou totalement citoyenne ou pour moitié avec des parlementaires : à 78% les Chiliens choisiront l’assemblée intégrale dont l’élection aura lieu les 15 et 16 mai 2021.
La similitude des événements entre le Chili et la France existent mais les situations politiques différent. De manière paradoxale, le général Pinochet renverse le Président Allende en septembre 1973, mais s’efface, en mars 1990, devant Patricio Allwyn, démocratiquement élu tout en gardant la fonction de chef de l’armée jusqu’en 1997. Ensuite, la Constitution imposée par Pinochet en 1980 n’est pas abolie. Le Chili a poursuivi sa route politique avec les mêmes institutions n’indisposant ni la présidente socialiste, Michelle Bachelet (2006-2010, 2014-2018) ni celui de droite Sébastian Piñera (2010-2014 ; 2018-).
Il faudra une révolte sociale pour déboucher sur un règlement institutionnel qui ferait pâlir d’envie les Gilets jaunes qui ne s’unirent pas autour du RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne). La France de 2019 est celle de la Ve République, sans dictateur, ni coup d’État. Les élites françaises, à l’inverse de celles chiliennes, sont unies contre un mouvement social. Les citoyens français, s’ils étaient interrogés, seraient-ils favorables à une nouvelle constitution ? Pas certain.
Le Chili nous donne des leçons intéressantes par le choix proposé aux Chiliens de devenir des constituants via une assemblée qui aura mandat de rédiger une Constitution. Nous sommes loin des fameux « panels de citoyens » chers à Anne Hidalgo et Emmanuel Macron. Panels établis dans l’opacité la plus complète, sans contrôle qui servent plus de faire-valoir aux élus en place que d’un organe citoyen.
Cependant, le moment de cet appel aux urnes intervient dans un climat politico-économique très négatif : le Président Piñera et les partis de la gauche à la droite sont décrédibilisés comme l’écrit Flora Genoux correspondante du Monde :
« Le rejet du président de droite, que la crise sanitaire n’a fait que renforcer, peut-il favoriser la gauche, elle-même atomisée ? Rien n’est moins sûr, « car il y a un problème systémique de crise de la représentation politique. Le résultat est donc totalement ouvert », observe Carmen Le Foulon, politiste au sein du CEP. Selon l’enquête qu’elle a pilotée, les partis politiques glanent à peine 2 % de taux de confiance. Inédite, la campagne pour l’élection constituante a vu émerger de nombreux candidats indépendants – près de huit noms sur dix – pour un scrutin qui établit la parité et réserve 17 des 155 sièges aux membres des populations autochtones – des règles sans précédent. »1
Dans cette situation, tous les champs sont ouverts, le Chili pouvant entrer dans une période délicate, propice à des retours de bâton. Là aussi, le Chili est une sirène pour la France qui se dégoute du Président, des élus, boude les urnes pour l’heure dans un mélange d’apathie et de résignation.
Chili chrysalide de la France ?
Source :
Jean Vinatier
Seriatim 2021
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