Le bon déroulé de la cérémonie face au Mur des Fédérés où furent fusillés 147 Communards par les Versaillais a contrasté avec les actions agressives contre le cortège diocésain : ce dernier commémorait les exécutions de prêtres (dont l’archevêque de Paris, Mgr Darboy) des jésuites de la rue Haxo, et de gardes républicains par des Communards lors de la Semaine sanglante de mai 1871.
Des fusillés d’un côté, des martyrs de l’autre, cent cinquante ans après, les antagonismes continuent à accompagner les deux camps et cela a surpris dans un Paris largement désossé idéologiquement : plus de 80% de voix pour Macron à la présidentielle de 2017, idem lors des immédiates législatives qui virent le parti socialiste ne garder qu’un député (sauf erreur) et un applaudissement pour la répression contre les Gilets Jaunes. En quelque sorte, Paris aurait recouvré une sorte « d’esprit versaillais 1871». Cependant les dernières municipales ont bien montré que la « gauche » gardait une bonne implantation dans tout l’Est parisien, incluant le mur des Fédérés.
Paradoxalement, Paris, cent cinquante ans après garderait une division Est/Ouest mais dans des assemblages sociétaux qui traversent de part en part l’ensemble de la ville et brouilleraient les apparences.
Chaque année l’archevêque de Paris fait le chemin de Croix jusqu’à la butte Montmartre sans susciter la moindre opposition et pourtant, le Sacré Cœur est devenu un point de ralliement de tous les sympathisants Communards qui estiment que son érection a sanctifié la répression féroce de mai 1871. L’on sait que la décision de construire un Sacré cœur à l’emplacement d’une abbaye déjà dédiée « au très saint-cœur », démolie lors de la Révolution française était antérieure à 1870. ( La dernière Mère-abbesse, Marie-Louise de Montmorency-Laval, âgée, paralysée, sourde, aveugle est guillotinée le 26 juillet 1794)
Les révolutions de 1830 et 1848 virent les foules à l’assaut de l’archevêché de Paris pour le piller et même l’incendier. Le XIXe siècle, en France, est celui de la reconquête religieuse (catholique, protestante, juive) qui va en parallèle avec celle, politique (empire royauté, république) le tout sur un terreau, peu mesuré, d’antagonisme social très profond entre une classe dominante (la bourgeoisie plus une bonne part cléricale et nobiliaire) initiatrice de la redistribution des cartes du pouvoir avec puis contre le Roi (1789) et une classe populaire (qui n’est pas uniforme et pas si déchristianisée) qui ne fut une actrice politique (sectionnaire) qu’entre 1792 et 1795.
La période qui va de la proclamation de la République le 4 septembre 1870 à celle de la Commune de Paris fin mars 1871 connaîtra, étape par étape, la remontée de l’opposition entre une population républicaine « montagnarde » et des élites républicaines, affolées par les idées socialistes : Jules Ferry étant l’exemple le plus parlant. Député en 1870, il fait le coup de main avec des Bonapartistes contre la tentative de prise de l’Assemblée en aout 1870 par les futurs Communards qui l’affubleront, après, d’un surnom : la mitrailleuse !
Et l’Église parisienne ? En accord apparent avec les classes possédantes urbaines, l’Église participera grandement à l’ordre moral dominant et ne se penchera sur les classes laborieuses qu’après les encycliques publiées pendant le long pontificat de Léon XIII (1878-1903), un Pape important qui attend toujours son biographe !
Les protestations de Mgr Aupetit, archevêque de Paris, n’eurent qu’un écho faible, de même que celles qui intervinrent après l’arrêt par le préfet du pèlerinage de Chartres devant la cathédrale. Cette indifférence étatique contraste avec les précipitations ministérielles lorsque des actes antisémites et islamophobes éclatent au grand jour. Même l’égorgement d’un prêtre pendant sa messe n’entraina pas un saisissement puissant de l’exécutif. Les catholiques parisiens sont regardés comme une minorité dont on méconnaît le côté « victime », pilier de la doxa « mondialiste » de nos gouvernants sociétaux. Désormais, pour les dominants, les églises chrétiennes sont démonétisées sauf pour des élections dans certaines provinces qu'ils estiment archaïques.
A travers ce mai 1871en 2021: une atmosphère bon-enfant au Mur des fédérés et les « jets de pierre » contre le cortège de l’archevêché, c’est la résurgence épidermique d’une Histoire politique et de mémoires transmises dans un Paris de plus en plus autiste à son environnement banlieusard et provincial, qui tient plus à la connexion new-yorkaise qu’avec celle de Bourg-en Bresse.
Jean Vinatier
Seriatim 2021
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