« Dans dix ans, l’Europe sera toujours engagée au Sahel » répondait le général Lecointre dans un double entretien au Figaro où il était dit que nos ennemis principaux étaient les Russes, les Chinois, les djihadistes et que bien évidement nous resserrerions les liens avec les États-Unis….Sur ce point Joe Biden, sleepy ou pas, peut dormir tranquille.
L’annonce de la fin de Barkhane qui s’accompagnera d’un retrait de la moitié des effectifs et d’une alliance internationale (USA/Europe) contre les djihadistes indiquerait, en première lecture, un nouvel engrenage qui tendrait à faire admettre que l’évolution sahélienne pourrait faire de cette partie africaine de plus en plus une « Somalie ».
Le propos élyséen acte un épuisement français qui ne peut pas, en dépit de l’excellence des hommes, tenir indéfiniment une zone quand les États concernés présentent des défaillances, rendant caduque notre légitimité.
Lors des négociations entre la France et les Algériens pour la fin de notre présence, le général de Gaulle qui voyait loin et avec bon sens avait bien perçu l’intérêt pour nous de garder une grande partie du désert « algérien » allant jusqu’à la partie nord malienne, d’y faire un « État touareg », de ce glacis, il aurait été possible d’y influer.
Aujourd’hui, si nous regardons avec attention les développements des différents groupes djihadistes sur lesquels se greffent des querelles et disputes inter-ethniques, on a trop tendance à oublier les calculs des États maghrébins : le Maroc sur le Sahara occidental, la Tunisie et bien évidemment l’Algérie qui sait l’importance de la carte touareg, des berbères, des arabo-berbères. Sur ce point, une alliance internationale anti-djihadiste sans l’Algérie serait un non-sens, il est fâcheux qu’officiellement on n’y veille pas. Et bien sûr, se pose le devenir libyen, espace grand ouvert à tous les vents depuis notre intervention funeste en 2011 !
A travers la question sahélienne, se posent deux gros défis pour l’Union européenne : les djihadismes et les flux migratoires. Dans les deux cas, des alliances avec des États africains ne suffisent pas, il faudrait y adjoindre ceux du Maghreb qui se détestent. Comment ferons-nous ? La prise en compte de l’importance du Maghreb inclurait de facto une politique méditerranéenne : en sommes-nous capables ?
En l’état, on peut penser que la France se placera à court terme en position de repli sur le glacis tchadien d’où s’opéreraient des raids fulgurants, nous liant au régime de la famille Déby, corrompue et impopulaire. Même si les médias français ne moufteront pas, il sera difficile de se vanter de démocratie quand on avaliserait son exact inverse. Jean-Yves Le Drian peut bien inaugurer en Côte d’Ivoire l’Académie Internationale de Lutte contre le Terrorisme (AILCT), on sait ce que cachera cette institution un réservoir, « services secrets » et autres officines.
Plus largement, l’on voit de mieux en mieux que l’Afrique entre de plein pied dans les concurrences mondiales où s’affrontent et s’affronteront plus encore les puissances ayant une vision qui inclut l’axe indopacifique : la Russie, la Chine, les États-Unis, les États du Golfe avec derrière la Turquie, l’Inde, le Japon et la France qui par son espace maritime, le second au monde, et son histoire en Afrique n’a pas d’autre choix que d’y aller….Et l’Union européenne ? Justement ?
Quant aux États africains en bordure du Sahel, ils seront en première ligne non sans des conséquences et des déstabilisations.
La guerre se rapproche de nous, le point de contact entre les puissances semble avoir trouver, à terme, un champ de bataille en commun, mettant, malheureusement, l’Afrique dans des dilemmes tragiques.
Nous entrons dans une période plus dangereuse d’autant plus que nous semblons faire nôtre les tactiques et stratégies américaines du fait de l’Otan et de notre habitude à ne voir le monde qu’à travers les lunettes de l’Oncle Sam : le Vietnam, l’Afghanistan, la Somalie, l’Irak, la Syrie ne peuvent passer pour des succès washingtoniens ! On semble procéder sur le plan militaire comme avec la dette infinie, à savoir l’extension perpétuelle. Est-ce une conséquence du monde liquide ?
Balayant très rapidement ce que pourrait être des enjeux et des conséquences, concluons que pour l’heure le glacis tchadien est logique mais fragile.
Jean Vinatier
Seriatim 2021
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