L’influenceur de Brégançon en costume présidentiel a eu l’habileté, lors de son intervention d’hier soir, de dresser un panégyrique des militaires français otaniens en Afghanistan entre 2001 et 2014. Les témoignages de soldats français s’étalent sur les réseaux où il est intéressant par leurs propos de noter que se perpétuent un langage et une conviction néo-colonialiste : l’Occidental est toujours convaincu d’amener le Bien dans les contrées obscures et arriérées. C’est un télescopage instructif en pleine « cancel culture » et wokisme !
De son côté, Joe Biden a admis hier assumer son choix face aux critiques unanimes : toute la presse américaine, NYT et WSJ inclus, aucun édito n’a pris la défense de la Maison Blanche.
Les Talibans pourraient tout à fait accompagner les Américains à évacuer dans l’ordre les ressortissants et même les Afghans ajoutant, alors, l’humiliation à la déroute, une déroute pire que celle de Saïgon où, jusqu’au dernier moment, 30 avril 1975, l’armée sud-vietnamienne et les marines se battirent face aux vietminh entrés chars en avant avec tirs contre le palais présidentiel !
Désormais, quelles seraient des conséquences pour les États-Unis à l’intérieur comme à l’extérieur.
A l’intérieur, la déconfiture américaine est pain béni pour Donald Trump et les Républicains à quelques semaines des élections mid-terms. La cruauté politique veut que Joe Biden ait suivi les accords conclus entre son prédécesseur et les Talibans, son erreur aura été de ne pas les réviser quand la situation se dégradait d’un coup. Joe Biden pourrait dire que la fin de la présence armée américaine dégagera des sommes qui pourraient être drainées vers l’économie, les emplois, les nouvelles technologies, l’écologie…Cela suffira-t-il à compenser la perte de prestige militaire et leurs effets secondaires ? Le climat intérieur américain n’est pas bon du tout depuis la dernière élection et, sans doute, la Maison Blanche pense-t-elle à une action d’éclat : mais où ? Pékin ne leur offrira pas le cadeau d’attaquer Taïwan. Et puis le Pentagone et la CIA seraient-ils d’accord quand on sait le peu de considération pour Joe Biden et sa vice-présidente, Harris qui fait un étalage de son incompétence ? A terme, la crédibilité de cette présidence est posée.
Ce qui m’amène aux contrecoups extérieurs pour les États-Unis obnubilés par la Chine qu’ils veulent aplatir. L’essai de création d’une coalition démocratique contre la Chine auprès de puissances asiatiques du sud déjà délicate, risque de connaître quelques faiblesses supplémentaires : l’Inde s’apercevant que le lion américain n’est si solide que cela se retournerait mieux vers la Russie, le Japon ne voit pas sans déplaisir cette situation car c’est un moment opportun de grandir une autonomie avec la possibilité d’extension d’influence que Washington aurait du mal à repousser entièrement. Il se pourrait aussi que les puissances régionales autour de l’Afghanistan s’entendissent pour endiguer, sans blocus, le gouvernement des Talibans, une réalisation qui compliquerait réellement l’action US. La Chine, principale intéressée dans son moment de repli à l’égard des étrangers occidentaux et de sa repise en main de toutes les grandes sociétés afin de se rendre la plus hermétique possible aux attaques financières américaines, regarde avec prudence ce que pourrait être l’Afghanistan à la fois comme une impossible base arrière ouïghour et une nouvelle route de la soie, n’oubliant pas que ses accords avec le Pakistan (pachtoune) prennent plus de poids encore : Islamabad est, sans doute, le pays qui tire le plus de profit de la situation actuelle : en effet pourrait se profiler un axe inter pachtoune, biffant de fait la ligne Durand de 1893.
Et historiquement pour les États-Unis l’Asie demeure un échec assez global, guerre de Corée exceptée (1953). Depuis 1975, les États-Unis ne cessent pas de connaitre des échecs cuisants en Asie sauf en 1991 (Koweït) et 2003 (Irak). Depuis 2001/2003, le gouvernement américain, démocrate/républicain, a claqué pas loin de 5000 milliards de dollars, a corrompu à tout va et a échoué à bâtir une start-up nation devant reconfigurer l’Asie orientale, un projet fondamental aux yeux des néo-conservateurs américains.
A la différence de la Russie, quoique battue en Afghanistan, est tout à fait dans des relations asiatiques et même souhaiteraient, logiquement, les contrebalancer par des rapprochement avec l’Europe ce que bêtement nous leur refusons, les États-Unis garde le côté occupant dans une Asie qui s’émancipe, "s’asiatise" via, notamment, la Chine dont on peut établir le début au sommet de Bandung de 1955 avec, alors, pour poids lourds, Mao, Nehru et Soekarno. Cela ne veut pas dire que la Chine régentera l’Asie, cela indique que l’indépendance asiatique est une dynamique en route.
A travers la chute de Kaboul, se profilent les limites de l’hyperpuissance américaine qui peut avoir tous les dollars au monde, des centaines de bases et tout ce qui va avec, il n’empêche que celle-ci se heurte à un mur : en 2024, Pékin aura son indépendance Internet et avec elle, croyez-moi, toute l’Asie suivra….
Le vent de Kaboul balaie le Zéphyr…….
Notes complémentaires de la part d'un lecteur anonyme:
Quelques remarques par ailleurs : la première
guerre du Golfe avait le soutien de tous les gouvernements donc pas de
problèmes diplomatiques,
Le résultat de l'intervention de 2003 n'est pas franchement une réussite pour
les USA
Le négociateur taliban des accords de Doha avait été sorti de taule par les
pakistanais pour l'occasion,
Mike Pompeo avait écrit d'avance le scénario. Simplement le scénario prévoyait
une transition plus longue mais l'armée afghane a implosé.
D’ailleurs, les Talibans sont eux-mêmes un peu pris de vitesse,
Manifestement, après la panique d'hier, les départs s'organisent
aujourd'hui sans la moindre intervention des Talibans pour le moment.
Jean Vinatier
Seriatim 2021
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