Commençons par dire que depuis la nuit des temps, l’Afghanistan fossoie les envahisseurs.
A peine les talibans entrés dans Kaboul et les premiers moments de panique passés, que commence à siffloter sur les ondes de l’aire Atlantique (Europe/USA) un début de refrain : reprise du terrorisme et migrations massives qu’Emmanuel Macron a, pudiquement, appelé, « flux irréguliers » (la campagne présidentielle se rapproche). Reste à savoir si les talibans seront à la manœuvre pour ces deux objectifs ou bien si leur victoire servira de détonateur à certains Etats, aux autres acteurs de la planète islamo-djihadiste (Asie-Afrique) où ne règne pas l’union ? Sans doute allons-nous vers un mélange détonnant.
Je crois cet événement majeur, un tremblement de terre aux répliques naturellement nombreuses, qui participe à la tourmente du monde, au même titre, parmi d’autres, que l’entrée sur scène du coronavirus et de toutes les mesures de contrôle social de masse installées sans résistance puissante dans nos démocraties. De tous les côtés montent effectivement les périls d’autant plus dangereusement qu’ils forment un spectre appelé à croître.
Ce point général fait, rappelons que l’Afghanistan a essayé depuis 1747 différentes formules résumées : celle institutionnelle qui culmina sous Zaher Shah dans les années 60, puis vint l’essai communiste (1978-1995), succédèrent les talibans islamo-mondialistes (1995-2001) puis l’essai atlantique (2001-2021) d’abord otanien (2001-2014) puis les Américains seuls. Les Afghans connurent deux occupations étrangères majeures, celle communiste, celle « occidentale » et une plus singulière, celle d’étudiants en religion sortis tout à la fois de Ryad, d’Islamabad et de Langlay guidés par une rigueur religieuse, le wahhabisme avec cette particularité d’être très majoritairement pachtoune, un peuple prédominant en Afghanistan et au Pakistan !
Les talibans de 1995 qui chassèrent, avant de le pendre, le dernier président communiste, Mohammad Najibullah sont célèbres pour les destructions de statues jugées impies, leurs mœurs rudes et pour leurs appels récurrents à l’avènement mondial de l’islam, des discours qui permirent facilement aux Américains de désigner faussement Kaboul comme l’épicentre des attentats du 11 septembre au lieu et place de l’Arabie saoudite. Un scénario rendu crédible par l’errance de Ben Laden jusqu’à son exécution en terre pakistanaise en 2011.
Les talibans de 2021 terminent aussi la seconde occupation étrangère débutée en 2001 (coalition otanienne puis seulement américaine) : mais sont-ils les mêmes que les premiers ? Bien difficile de le dire car figurent parmi eux nombre de gérontes aux barbes blanches impressionnantes….
Les premières déclarations talibanes rassurent et mettent les choses au clair : nous ne voulons aucun « ennemi intérieur ou extérieur » ! Un dire qui indiquerait que ces talibans-là seraient plus éloignés que leurs prédécesseurs islamo-mondialistes. La prudence reste de mise d’autant plus que toutes les tractations diplomates se déroulèrent à Doha, capitale qatarie wahhabite entre les américains, les pakistanais et les talibans à l’exclusion de tout représentant du gouvernement d’alors afghan maintenant donc un cadre d’obédience religieuse stricte, conservatrice.
Le retour des talibans en 2021 s’opère dans un environnement géopolitique bien différent de celui de 1995.
En 1995, la Chine n’avait lancé aucune route de la soie, la Russie souffrait de la pénurie, l’Union européenne entrait toute juste dans l’ère maastrichtienne (1992) et mesurait de quelle façon une Allemagne réunifiée retrouvait des élans d’antan en précipitant l’implosion de la Yougoslavie avec cette conséquence de permettre à Washington d’installer une base-Etat au Kosovo, les États-Unis clintoniens faisaient de la Fin de l’histoire de Fukuyama une bible neuve parfaite pour un messianisme néo-con ultra-libéral.
En 2021, l’Asie tout comme l’islam sont sur la scène mondiale. Le continent asiatique entre dans une ère de montée en force quand l’espace Atlantique (USA/Europe) donne des signes contradictoires : hyperpuissance et anxiété. S’il est clair que les États-Unis croient toujours à l’utilité de l’arme islamique pour garder sous la main l’Europe et espérer diviser et affaiblir les pays asiatiques ambitieux, par exemple, Russie, Inde, Chine, ils abordent le combat contre la Chine avec les idées de la Guerre froide. En dépit de leur puissance militaire, ils opèrent avec un logiciel daté. De plus régionalement, les pays entourant l’Afghanistan pourraient endiguer ou borner les errements talibans selon leur façon, indépendamment de Washington, entre asiatiques. Il y a déjà un exemple : les Américains se vantent de détenir les avoirs afghans quand les talibans ont mis la main sur une partie de l’arsenal militaire américain. Mais au-delà des palabres, les talibans, régionalement, tireraient des gains en milliards : leur revanche serait alors plus économique plus terroriste.
Pour l’heure le plan élaboré à Doha marche mais avec une accélération qui donne faussement de Kaboul, un Saïgon 2 pour le plus grand bénéfice taliban et le désarroi de Joe Biden. D’ici une huitaine, les « occidentaux » seront partis avec 20 000 afghans les plus urbanisés et connectés sans aucune répression, pour le plus grand avantage du nouveau pouvoir. Ensuite, s’ouvrira un gouvernement bidon de transition avec la ligne politique convenable avant que des tours de vis ne s’opèrent à la façon du python…et que commence une nouvelle partie asiatique dans laquelle les talibans à la fois anciens et neufs seront comme les oiseaux dont on change le plumage, ils tapireront….
Jean Vinatier
Seriatim 2021
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