Angela Merkel termine son gouvernement sous les louanges nationales, quelle que soit la génération. Les Allemands la remercient d’avoir redonner à leur pays une puissance et une place en Europe paraissant démentir la malédiction qui voulait qu’à chaque Reich, IIe et IIIe, correspondît une guerre mondiale, de poser des finances saines éloignant les deux ères inflationnistes, lors de la crise de 29 et juste après 1945. Ni guerre, ni inflation, Danke Angela !
La chancelière a continué la politique de ses prédécesseurs c’est-à-dire regagner des paliers de puissance pacifiquement via l’Union européenne qui servit merveilleusement ses intérêts et ses cercles concentriques d’influence au point qu’Angela Merkel eut à peine besoin de tenir un discours européen tant allait de pair de Berlin à Bruxelles. Géopolitiquement, Angela Merkel réussit à renforcer Berlin comme place incontournable pour Pékin, Moscou, Londres, Washington. Notre pauvre ministre des Affaires Étrangères, Le Drian, accueillant en français le secrétaire d’État américain Blinken, lui dit, « tu es chez toi », celui-ci lui répondit en français tout de go : « l’Allemagne est notre meilleure alliée » ! Cette réplique cinglante illustre bien combien, il a été assez facile pour la chancelière de maintenir North Stream II sans fâcher personne dans son environnement immédiat, Ukraine incluse qui toute dépitée de perdre une ressource et un levier réel contre la Russie a convenu qu’une Allemagne derrière était mieux qu’une Russie en face….
Quant à la France dont nos gouvernants, de gauche, de droite, ratiocinent à foison sur le « couple franco-allemand » pour exister au sein de l’Union, elle constate, aujourd’hui, le lent et minutieux travail de grignotage entrepris par Berlin dans certaines de nos entreprises de la défense nationale et même d’Ariane qui migrera de la Normandie vers l’Outre-Rhin ! Le décrochage industriel est patent de la France face à une Allemagne qui a pu, à la fois, délocaliser ses fleurons tout en gardant dans son immédiateté les pays de l’Europe de l’Est pour maintenir une concurrence tout à fait favorable.
Pour la première fois dans l’histoire du continent européen, une puissance phare est au milieu. Longtemps l’Italie fut regardée comme un centre névralgique même pour régler, par exemple, une guerre de succession en Pologne (1733). Idem pour la France terrorisante quoique bloquée par le Rhin et ayant perdu le comté de Flandres, au moment des Bourguignons, qui tomba dans l’escarcelle habsbourgeoise. Idem aussi pour les Habsbourg qui de Vienne à Madrid en passant par l’Italie formèrent un croissant enserrant contre la France. Également quand le Royaume-Uni tout en restant une île faisait et défaisait les coalitions sur le continent jusqu’au XIXe siècle.
A croire que l’année zéro allemande de 1945 a été, en réalité, une route neuve pour son avenir où soumise aux États-Unis, partagée en deux puis réunie, l’équilibre se fit autour d’elle et non plus par sa propre politique. Quelque part, Américains et Soviétiques accréditèrent l’idée, selon laquelle le point, d’équilibre et de limite, trouvait son tracé en Allemagne, confirmé dans les années 90 et le début du XXIe siècle. Berlin réussit ce que Paris échoua, être totalement Allemand et complétement Européen sans que sa souveraineté en pâtisse.
Ce tableau favorable ou apologie ne masque pas une démographie négative, l’obligeant à accueillir, en nombre, des populations étrangères même au prix d’une résurgence de l’extrême droite, l’AFD et arrive, apparemment à réussir l’intégration. Or, un pays dont la population vieillit et qui entend peser toujours plus à l’extérieur arrive assez rapidement à un carrefour dangereux.
Angela Merkel dont les tenues « pyjama » nous rappellent que l’Allemagne n’est pas un pays de haute-couture, mais plutôt celui des fermetures éclairs quand il fallut mettre au pas, sans ménagement, après 2008, l’Europe du club méditerranée dont la Grèce. Assise sur un tas d’or, la main ferme sur une monnaie européenne qui est presque la sienne, la chancelière Merkel représentera une période bénéfique mais où les craquements démographiques et les crevasses européennes risquent d’engendrer des difficultés. Faisant en sorte que l’Europe tourne autour d’elle en veillant à ce qu’elle ne devint pas une puissance géostratégique de peur de raviver une histoire, elle laisse en réalité, le continent dans une fragilité indéniable que la France est tout à fait incapable de contrebalancer tant elle s’est accrochée à l’arbre germanique.
L’Histoire dira si Angela Merkel (Mutti) a conjuré le malheur historique allemand ou bien si elle sut avec un air bonhomme illusionner dans les prodromes de bouleversements planétaires ?
Jean Vinatier
Seriatim 2021
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire