Tandis que les attentions étaient captées par les déclarations des deux têtes de liste du SPD et de la CDU/CSU, les Verts et les libéraux annonçaient les pourparlers entre eux. C’est un front renversé qui se déroule en Allemagne et qui dépasse en importance le fait de savoir si nous aurions à Noël une coalition « Jamaïque » ou « tricolore ». La coalition ne serait plus le fait d’une des deux grands partis ou même des deux grands partis qui pourraient très bien renouveler leur expérience gouvernementale totalisant la majorité des sièges au Bundestag.
Le premier point est de noter que la notion de droite ou de gauche est, en Allemagne, très réduite : les Grünen et les libéraux du FDP envisageant tranquillement d’aller entre eux et vers l’un ou l’autre des grands partis. C’est une évolution dans la vie politique allemande conséquence des coalitions pendant le règne de Mutti. Les extrêmes, Die Linke et AFD, ne constituent pas une menace de déséquilibre.
Le second conséquence du premier, un centrage politique allemand infiniment plus prononcé que chez nous. Les Verts sont ancrés à gauche. Les libéraux (les vrais pas les énarcho-libéraux) sont éparpillés sans former un parti libéral. LAREM et ses périphéries illusionnent sur leur libéralisme, il s’agit plutôt pour les sommets de la haute fonction publique et du « CAC40 » de tenir ensemble sur des adhésions à la doxa dominante, à l’Union et à l’OTAN : Emmanuel Macron était leur champion parfait et l’espère le rester.
Le troisième, une assez générale adhésion des principaux partis allemands sur la politique étrangère, les différences étant de forme et non de fond. C’est le résultat d’une politique constante du redressement allemand tant sur l’échiquier européen qu’à l’international où le militaire se situe en retrait. J’écrivais dans différents Seriatim qu’Angela Merkel avait une vision hanséatique du monde, cela se confirme auprès de tous les partis (extrêmes exclus) et la seule chose que différencie cette Hanse de la précédente est que son appareil militaire est entre les mains otaniennes.
Le quatrième point est la haute participation en Allemagne (76%), un chiffre qui illustre l’intérêt du peuple pour la vie politique et de sa reconnaissance dans les partis existants.
Que les deux grands partis s’unissent ou bien que se forment des coalitions via les Grünen et le FDP, nous voyons bien un cheminement vers le parfait ou l’absolu. L’Allemagne débute un absolutisme politique qui n’effraie personne en Europe, ni au-delà : les Etats-Unis et la Russie ne feront rien contre elle, la Chine non plus au vu de ses capitaux.
De l’autre côté du Rhin, la Seine est différente de la Spree : c’est un repli général masqué par des élans mondialistes c’est-à-dire des messages fraternels réduits à la seule communication. Si l’on regarde bien les partis politiques français, vous ne trouverez ni une réunion ni une désunion, vous aurez une espèce de glacis qui n’est point une rampe de lancement pour des partis mais un repli devant une défiance générale : les taux d’abstention submergent la légitimité des élus au socle électoral sur un fil. C’est là l’illustration du malaise français qui ne trouve plus, ni sa place en Europe, ni dans celle du monde. Le grand mal français a été sa désindustrialisation décidée majoritairement par l’Etat, un aveuglement au sujet de l’Allemagne (« couple ») et aussi notre incapacité à faire des DOM-TOM et Territoires un « Commonwealth ». Pour nombre d’Etats européens, la France demeure une puissance coloniale, apportant la preuve de sa difficulté à tourner la page et nombreux sont ceux qui estimeraient logique que la Nouvelle-Calédonie entrât dans l’aire australienne, la Polynésie dans celle néozélandaise, les Antilles dans celle étatsunienne.
J’ai pris les exemples des Grünen et du FDP, annoncés comme les plus portés vers les élans et qui se retrouvent à être des acteurs incontournables pour les partis fondateurs de la IIe République allemande eux-mêmes se retrouvant sur un socle européen pour partie germanisé en les comparant aux Verts et aux « libéraux » français tout un retrait pour les premiers même s’il y a des similitudes sur les idées sociétales, dans un éparpillement pour les seconds. Quand aux autres partis anciens, PS, LR, Centre…etc, ils s’attachent à convaincre des électeurs de leurs différences quand la réalité politique montre le contraire. Sur ce point leur refus d’accepter le vote français de 2005 est toujours en train d’opérer ses effets dévastateurs….
Pour conclure, la vie politique allemande est sur une dynamique que celle française n’a plus principalement parce que la classe politique a cru que pour être européen, il ne fallait plus être français : Berlin n’a pas commis cette faute et en recueille les fruits. Cela étant dit, l’Allemagne a un défi démographique à relever, la France moins mais c’est à Paris que se pose la question identitaire plus fortement qu’à Berlin sans doute parce que cette capitale n’a été ou pas du tout ou très peu de temps une puissance coloniale, une grosse aiguille en moins pour intégrer/assimiler….
Cela étant dit, après l’ère « merkelienne », combien de temps tiendra la correspondance entre l’Allemagne et l’Union européenne, entre l’Allemagne et le monde ?
A suivre.
Jean Vinatier
Seriatim 2021
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