« Il y a bien sûr des différences entre antisémitisme et islamophobie, mais deux éléments majeurs unissent ces idéologies : la religion assimilée à une race et la vision d’une grande conspiration mondiale visant à détruire l’Occident. C’est ce que rappelle le livre de l’historien Reza Zia-Ebrahimi, Antisémitisme et islamophobie. Une histoire croisée, paru fin août 2021 aux éditions Amsterdam.
Qu’est-ce que la race ? Et qu’est-ce que le racisme ? Partant de la définition de ces termes, Reza Zia-Ebrahimi démontre dans son livre Antisémitisme et islamophobie. Une histoire croisée - dont aucun média mainstream n’a rendu compte - que ces deux phénomènes — dont l’histoire compte de nombreux croisements — relèvent bel et bien d’une même logique : la racialisation de deux groupes dominés définis par leur religion. Ainsi cessent-ils d’être uniquement les adeptes d’une religion pour devenir une entité homogène, biologiquement et culturellement caractérisée. Fait particulier propre à ces deux types de racisme : ils se traduisent par la vision d’un grand complot. Ils « ne se contentent plus d’altériser la population juive ou musulmane : ils l’élèvent au statut de menace existentielle pour la « civilisation occidentale ». ».
Iranien d’origine, anglais de formation et francophone d’éducation, c’est à la fois un regard d’historien et d’observateur extérieur que l’auteur pose sur le monde occidental et en particulier sur la France — terre propice à l’expansion des deux phénomènes étudiés : « Cette France, confie l’auteur, je l’admire souvent, elle me méduse régulièrement, et parfois, je dois l’avouer, elle me révulse »1.
Une généalogie des racismes
Comme le rappelle Zia-Ebrahimi dans son introduction, l’étude croisée qu’il a choisi d’entreprendre ne lui a pas valu que des amis. Il faut souligner que les deux concepts dont il est ici question ne bénéficient pas du même statut : « Le déni de l’islamophobie est généralisé, et l’emploi du terme considéré comme rien de moins qu’un soutien au djihadisme ». Les motifs officiels pour lesquels le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) a été dissout ne peuvent que confirmer ce propos2.
Bien que l’idée d’une civilisation « judéo-chrétienne » soit devenue assez récemment un dogme, l’auteur remonte « la généalogie intellectuelle » de ces racismes et rappelle, contre « l’amnésie historique », toute la littérature du Moyen-Âge qui a alimenté les croisades et les pogroms. Associés du fait de leurs pratiques religieuses communes, juifs et « sarrasins » sont accusés de poursuivre le même objectif : « l’annihilation de la chrétienté ».
Juifs et musulmans ne sont donc pas simplement « autres », altérisés d’un point de vue religieux et ethnique ; ils ne sont pas non plus de simples ennemis, comme peuvent l’être des royaumes voisins : ils représentent déjà une menace existentielle pour la chrétienté, voire un péril apocalyptique pour l’univers entier en tant que suppôts de l’Antéchrist.
Si les prémices d’une « racialisation conspiratoire »3 née de l’altérité radicale sont déjà là, c’est que cette discrimination a priori motivée par une animosité religieuse va prendre une tournure plus ethnique avec la Reconquista de l’Espagne4 et la destruction des derniers royaumes musulmans, « une entreprise de purification religio-culturelle qui ferait pâlir d’envie les mouvements identitaires du XXIe siècle ».
Centrée autour de la « pureté de sang » — d’aucuns parleraient aujourd’hui d’Européens « de souche » —, cette différenciation biologique qui s’étend aux « morisques » (les descendants des musulmans convertis) et aux « marranes » (les descendants des juifs convertis) interdit aux deux populations l’accès à l’espace politique et public — un contemporain dirait : aux plages et aux piscines — et les relègue à un statut inférieur. Ni conversions ni mariages mixtes ne peuvent les absoudre de cette impureté originelle. « La pureté de sang est en outre un véhicule de promotion sociale pour les vieux chrétiens qui occupent le bas de l’échelle, qui leur permet de se targuer d’être au-dessus des nouveaux chrétiens ».
« La race sémitique n’a ni mythologie, ni science, ni philosophie »
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2021
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