Devait-on s’étonner de la puissance des sanctions européennes contre la Russie depuis 2014 et après le 24 février 2022 ? Cette Union européenne que l’on nous présente toujours sous un air angélique a en son sein des réminiscences de son historique hégémonie. Rappelons-nous la Syrie, la Libye ? Certes ce n’était pas toute l’Union européenne qui s’élançait contre le régime syrien de Bachar Al-Assad et pour ce faire d’appuyer les djihadistes, contre la Libye de feu le colonel Kadhafi. On remarquera également que les États-Unis eux-mêmes, doivent veiller à retenir les européens telle une meute dans une chasse à courre : si la Maison Blanche tient à son agenda géopolitique et a besoin encore des européens, elle sait ne pas franchir le Rubicon.
Depuis l’invasion de l’Ukraine, l’infini catalogue des sanctions contre la Russie se déroule sous les yeux en particulier de l’Asie qui comprend très bien que toute opposition aux États-Unis entrainera la saisie des avoirs, non seulement des États mais aussi des particuliers jugés alors comme proches d’un pouvoir qui ne serait plus vu positivement. Les tractations entre l’Arabie saoudite et la Chine pour commercer le pétrole en yuan au lieu du dollar, New Delhi qui réfléchit aussi à plus utiliser la roupie, la Russie qui vient d’exiger que le pétrole et le gaz se facturent en rouble au lieu actuellement du dollar. A cette Asie, s’ajoutent les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) dont trois puissances appartiennent à l’Organisation économique de Shanghai (OCS).
Aujourd’hui, les continents d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine ne sont plus des arrière-cours des Atlantiques (USA/Europe), l’Asie est l’atelier du monde, l’Afrique devient un pôle géopolitique majeur et l’Amérique Latine débute l’approfondissement des relations transcontinentales. Ces évolutions expliquent grandement l’attentisme ou la condamnation sans sanction de l’invasion russe de l’Ukraine. Si les Européens n’ont visiblement aucune conscience géopolitique, les États-Unis veillent à avancer plus prudemment. La conversation entre Joe Biden et Xi Jiping n’a pas donné lieu à des commentaires exhaustifs tout simplement parce qu’admonester financièrement et commercialement la Chine comme une seconde Russie serait plus que dommageable dans un monde interdépendant.
J’ai déjà écrit que les choix européens contre la Russie se faisait en quelque sorte hors du monde (de sa réalité) et qu’ils ouvraient aussi en l’occurrence pour le roi de Prusse (USA). Pour l’Asie, le poids de l’Europe n’est plus regardé comme un plateau de balance d’équilibre, il est supporté comme un reste uni aux USA. L’Asie qui n’est certes pas aussi ordonné que l’Union européenne, a tout de même la conscience très établie qu’elle peut se suffire à elle-même, l’autarcie continentale n’est pas une incongruité. C’est bien pour cela que depuis les rives du Potomac, on mesure bien que toute dédollarisation majeure compromettrait tout le modèle économique et financier des États-Unis : cette encore première puissance mondiale vit de la confiance du monde où l’Asie a une part plus que décisive. Ce danger de la multiplication des échanges intra-asiatiques via, au moins trois monnaies (rouble, roupie, yuan) est bien perçu, compliquant de beaucoup l’objectif de cercles américains de refaire des traités inégaux contre la Chine. Cette vue-là s’annonce considérablement compliquée quand bien même la Chine n’est et ne sera pas un élément fédérateur asiatique, car c’est l’inconscient asiatique qui agira par sa prise de conscience d’être incontournable, de vivre enfin sans le gourdin du dollar, une monnaie parmi les autres….
Derrière la guerre en Ukraine qui a son long cortège des réfugiés, se profile et même se précipite un autre monde. Quelque part, la Russie en commettant un acte de guerre sans déclaration accélère ce mouvement qui se renforcera si le conflit dure. Mais même s’il était écourté, soyons assurés que la mécanique nouvelle asiatique est en marche. Il n’y a pas que les routes de la soie dont les terminaux sont en Europe, en Ukraine s’y agrègent les nouvelles routes monétaires
Jean Vinatier
Seriatim 2022
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