Jean Baillou a publié deux volumes magistraux en 1984, Les affaires étrangères et le corps diplomatique français qui ne furent donc pas une lecture de chevet d’Emmanuel Macron : il vient de biffer d’un trait la singularité du corps diplomatique français né vers 1589, au moment où le Roi créait un secrétaire d’État chargé « des étrangers ». La Révolution française loin d’abolir ce corps le maintint faisant même apparaitre dans le langage ordinaire le terme de diplomatie….
Ce que vient d’opérer Emmanuel Macron dépasse en symbole et en histoire la fin du corps préfectoral qui ne datait que du Consulat. Évidemment les ambassades ne disparaissent pas mais il n’existera plus de concours particulier, de parcours distingué d’autres, tous les hauts fonctionnaires pataugeront dans un même vase et certains pourront aller d’un département à un autre. En réalité, ce que met en place Emmanuel Macron est une copie américaine du spoil system qui veut, par exemple, qu’un Président démocrate ne puisse gouverner qu’avec une administration de son parti, la neutralité de l’administration américaine n’existe pas, la France macronienne lui emboite donc le pas…
Au-delà de la neutralité, c’est se ranger aussi une fois encore sous la férule du management entrepreneurial made in USA dont on a pu observer les violences dès les années 2000 dans les administrations françaises ouvrant les portes de l’Etat aux cabinets de conseil lesquels désormais, recrutent les meilleurs des étudiants français sortis des grandes écoles : les élites issues de minorités sociales favorisées clonées sont en marche
La singularité française a été que l’Etat fasse naitre non seulement la nation française mais en plus un corps où le Roi lui-même se devait au service de l’État. Cette très lente émergence tout à fait dans la logique de l’absolu (le parfait) voulu par les Rois et les conseillers d’Etat (le Conseil d’Etat ne date pas de Napoléon, il est une recréation modernisée) a fait que même lors des plus grands tourments historiques comme la Révolution française et l’Occupation, l’Etat demeura. Sa neutralité que l’on vante aujourd’hui est plus ambigu car tant les préfets que les diplomates, ils se devaient bien de refléter le régime en place. L’État via les préfets et le corps diplomatique était neutre au sens de la pérennité à l’instar du Garde des Sceaux , le seul a ne jamais prendre le deuil du souverain.
Ces réformes qui sont pour moi des contre-réformes attaquent l’État, le noyau central de ce qui fait France, autant Libre qu’Occupée sous couvert d’une modernité bien obéissante à une logique globalisante complétement hostile à l’État-nation en règle générale et dans le cadre européen en particulier…Il y aussi cette manie de ne voir l’État que comme une entreprise dont les contribuables seraient d’hypothétiques actionnaires mais où le gouvernement et la haute fonction publique ne seraient plus qu’un conseil d’administration entre les mains de puissants intérêts privés eux-mêmes liés à des lobbies, à des fonds, à des puissances étrangères,
A l’instar des joailliers de l’orfèvre Bapst dessertissant tous les joyaux de la Couronne afin que rien ne demeure de la royauté et de l’empire selon le vœux d’une IIIe République, peu populaire, aux mains encore ensanglantées de la Commune qui refusait de reconstruire les Tuileries, Saint-Cloud, Meudon, Emmanuel Macron tel un bucheron s’évertue à étêter tout ce qui faisait la distinction de l’État français dans sa trame historique au profit d’une utopie européenne dont les Allemands ne veulent pas et que les anglo-américains se plaisent à blaguer.
A la veille du second tour de la présidentielle, Emmanuel Macron affiche tranquillement sa certitude de son maintien qui prélude publiquement ce que seront les cinq années à venir bien épaulé par un électorat majoritairement âgé égrotant et radotant, « après nous le déluge »
Jean Vinatier
Seriatim 2022
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