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mercredi 11 mai 2022

Macron : Ukraine, serment de Strasbourg N°5861 16e année

 Ainsi au détour d’un discours au fil de l’eau porté par un courant qui tait les chutes lointaines, Emmanuel Macron aurait fait son serment de Strasbourg. Un détour néo-carolingien bien éloigné de celui de 842 qui opposa deux petits-fils de Charlemagne, Charles le Chauve, Louis le Germanique à leur aîné, Lothaire Ier et qui aboutira en 843 à la fin de la renaissance impériale esquissée par les Pépinides. Le Strasbourg de mai 2022 serait, au contraire, un appel à la dimension étendue jusqu’à la Géorgie en plus de l’Ukraine.

Ce discours de Strasbourg débuté par une pantomime de déconstruction de mauvais gout quoiqu’assez illustrative de ce que nous sommes aujourd’hui, reste dans le logiciel traditionnel d’Emmanuel Macron se considérant à la tête d’un « peuple nouveau », d’un quinquennat « nouveau », d’une France « nouvelle » abordant donc l’Europe « nouvelle » dans un discours marquant la fin de la présidence semestrielle française (janvier-juin). Il ne coute rien à tracer des grandes lignes, à lancer des grands mots et esquisser un monde tel que l’on voudrait qu’il soit.

Ce discours présidentiel devait contrecarrer celui de Vladimir Poutine qui se montra bien mesuré tout en rappelant l’immense sacrifice fait par les Russes (soviétiques) et sans lequel le 6 juin aurait eu lieu une autre année. L’Ukraine sert de paravent idéal pour continuer un même objectif sous couvert de « liberté », de « démocratie », de « valeurs ». On a dit qu’Emmanuel Macron avait mis de la mesure en affirmant que Kiev ne pourrait pas entrer immédiatement dans l’Union européenne mais, l’on omet de souligner, qu’à la ligne suivante, le Président français appelait de ses vœux la construction, en parallèle, d’une entité non embarrassée par des procédures longues (« communauté politique ») qui accueillerait l’Ukraine dans « l’Europe » via des thématiques fédératrices « nouvelles ». En réalité, Emmanuel Macron, loin de montrer un irénisme reste sur la route belliqueuse préparée depuis longtemps par les États-Unis (et l’Allemagne) et que Vladimir Poutine le 24 février dernier a bombardée mettant à vif ce qui devait être encore masqué.

Pour le public français et son électorat, Emmanuel Macron est dans le continuum de ses rares discours de campagne et de son médiocre propos du Champ de Mars où il promit une terre « plus propre ou vivable », insista sur des projets hors de France. On retrouve donc dans le discours de Strasbourg l’au-delà de la nation territoriale française qui ne serait plus qu’une parmi d’autres. Le second quinquennat (et sans doute pas le dernier via une réforme institutionnelle) se fait donc à partir de la France pour l’Europe. Quand il regarde la géographie politique française, les seuls partis souverainistes ne purent concourir à l’élection présidentielle sauf Nicolas Dupont-Aignan et Jean Lassalle et les seuls qui se revêtirent de cette toge (Eric Zemmour, Marine Le Pen) lissèrent tant leurs discours qu’ils n’eurent plus aucune sève. Ne restent plus en lice que des partis en concordance avec les axes présidentiels. On voit peu de différence entre Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron, les formes différent quand le fond est quasi commun. Pour Emmanuel Macron, il n’y a plus d’opposition alternative ou fondamentale à ses desseins. Il est donc parfaitement libre de ses mouvements comme le lui rappela Marisol Touraine à l’Élysée : oui mais plus libre en France qu’en Europe…Son accord pour la révision des traités se heurtera à la règle de l’unanimité, il voudra donc son contournement. Pour ce faire, l’accord de Berlin sera déterminant. L’Allemagne étant déjà une république fédérale et si l’on remonte plus loin dans le passé, les siècles du Saint-empire Romain germanique une certaine façon une Europe font que Berlin ne sent pas la même nécessité de bouleversement institutionnel. Sa vision impériale qu’elle garda jusqu’en 1945 a été remise en selle, les rennes étant américaines l’affaire du Nord Stream II apportant une preuve de cette mainmise.

Les propositions françaises vont dans le sens opiné par les États-Unis, l’émergence d’un ensemble qui présenterait une apparence de solidité, de dépendance alors même que s’entretiendraient les divisions et les concurrences. Qu’Emmanuel Macron ait au fond de lui l’idée d’une « dimension européenne » ne se conteste pas, le problème est qu’en acceptant l’effacement de la France au profit d’une mégastructure dédoublée en « communauté politique », il enfonce à la fois Paris et l’Europe.

Le serment de Strasbourg (mots présidentiels) bien à l’inverse de celui de 842 qui marquait une fin carolingienne mais annonçait la renaissance ottonienne (962-1024), Emmanuel Macron croit que le drapeau européen sous l’Arc de Triomphe (qui ne souleva qu’une fois les critiques politiques) par la symbolique de la mise sous le boisseau du sacrifice français en 1914 fera un tournant irrémédiable. Un tournant oui, des pas nouveaux oui, mais un immense désordre de tous les côtés et une longue période d’obscurité démocratique, d’a-liberté. L’erreur d’Emmanuel Macron (et de ces prédécesseurs) est de ne pas avoir compris que le maintien de la puissance française c’est-à-dire de ses principes historiques était la seule arme atomique pour concevoir une Europe souveraine. En l’amputant, en laissant se gangréner nos atouts, les thuriféraires français européens réussiront l’exploit d’entretenir l’Allemagne dans sa puissance et par les désarticulations générées une immense jachère européenne qui feront le miel autant de Washington que de Pékin. Qui du grand continent européen ?

Pour conclure, la guerre en Ukraine pourrait très bien se nommer plus tard, la longue guerre de succession de puissance car dès son début elle a dépassé l’espace européen. Les essentielles des tractations furent le fait de puissances non-européennes. Les Ukrainiens eux-mêmes sont une marionnette ensanglantée d’un théâtre mondial avec à leur tête un Président corrompu rêvant d’une heureuse Floride où il a acquis.

Jean Vinatier

Seriatim 2022

 

 

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