Introduction au numéro de la revue Parlement(s), Revue d’histoire politique 2022/2 (N°36) par Frédéric Chavaud :
« La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France le 30 janvier 2020 pour ne pas avoir assuré la sauvegarde de la dignité des détenus. Dans la foulée, l’Observatoire international des prisons (OIP), puis le Conseil constitutionnel ont demandé aux autorités françaises de prendre des mesures. La CEDH déplorait les conditions inhumaines et dégradantes et pointait le non-respect du droit à un recours effectif pour faire cesser ces atteintes [1] Pour la Cour, plusieurs articles de la Convention européenne des droits de l’homme sont violés et il convient de s’engager résolument pour mettre un terme au surpeuplement carcéral, pour améliorer les conditions de détention, et, enfin, pour faire en sorte que le recours préventif puisse être effectif. Vétusté, insalubrité, entassement ne sont pas des maux récents. Ils ont été plus particulièrement dénoncés lors de périodes correspondant à un mouvement d’inflation pénale entassant les prisonniers, en 1870-1871, puis en 1940-1950, puis encore sans discontinuer à partir des années 1970. Toutefois, il faut bien convenir que la prison n’intéresse pas grand monde [2], malgré quelques scandales [3] et rapports parlementaires [4] L’opinion publique voudrait que la société se montre plus ferme envers celles et ceux qui sont incarcérés. Les 3 et 4 octobre 2016, un sondage IFOP pour Dimanche Ouest-France [5] indiquait que les Français considéraient à 47 % que la prison devait d’abord préparer la réinsertion des détenus dans la société et à 44 % que la finalité de l’incarcération était de priver les détenus de liberté. Vingt ans plus tôt, ils n’étaient que 21 % à penser que le rôle de la prison consistait essentiellement à « priver de liberté » les détenus. Au fil des années, les personnes interrogées considèrent que la prison doit d’abord être répressive. Elles se montrent certes conscientes de la surpopulation, mais désormais l’attitude des détenus, selon les sondés et quelle que soit leur appartenance politique, y est pour beaucoup (40 % contre 24 en 2000). Dans l’intervalle, il est vrai, des attentats terroristes, des discours sur l’insécurité, des inquiétudes diverses et partagées sur l’avenir, d’autres aspects encore ont contribué à éroder l’adhésion aux réformes pénitentiaires et à se ranger derrière la bannière des promoteurs d’une prison punitive. En effet, l’opinion publique, comme le souligne la Fondation Jean-Jaurès, veut durcir les conditions carcérales : 50 % considèrent que les prisonniers sont trop bien traités et que la prison devrait être « un lieu de souffrance et de privation [6] ». Les débats qui avaient agité la Société royale pour l’amélioration des prisons dès 1819 semblent appartenir à une époque figée dans un passé historique révolu. L’amendement des prisonniers n’est plus une priorité. Que s’est-il passé en deux siècles pour que soit abandonné le projet de la Constituante ? »
La suite ci-dessous :
https://www.cairn.info/revue-parlements-2022-2-page-11.htm
Jean Vinatier
Seriatim 2023
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