La tournée en Europe du Président Zelensky impressionnait par le dispositif sécuritaire : 850 hommes à Paris, 9 avions militaires britanniques …etc. De l’autre côté de l’Atlantique, les fébrilités politiques ne cessent pas. Elles iront de manière ascendante jusqu’à la présidentielle de 2024. Des fébrilités que les médias français se gardent bien d’évoquer, qui taisent les auditions de tous les GAFAM et autres décideurs qui passent véritablement sur le grill du Congrès sans omettre les interventions du FBI ici et là….Bref, dans cette atmosphère arrive comme un cheveu sur la soupe, la résolution du jeune Républicain Matt Gaetz pour que cesse l’intervention américaine en Ukraine, elle est dite « fatigue d’Ukraine ». L’important n’est pas le succès ou l’insuccès de cette résolution mais de secouer le Congrès qui compte historiquement dans ses rangs une part de « non interventionnistes » appelés ici les « isolationnistes » eux-mêmes le reflet d’une partie des Américains, l’Amérique rurale et des petites villes. Autre fait, l’article du célèbre journaliste d’investigation Seymour Hersh sur le sabotage de North Stream par le gouvernement américain qui connait un succès sur les réseaux sociaux quand les grands médias le mettent sous le boisseau…En Europe, l’enquête sur ce sabotage est une enquête Corse : quelle enquête ?
Dans le conflit ukraino-russe, vous avez deux acteurs décisifs, un État, les États-Unis et un continent, l’Asie via des poids lourds (Chine, Inde, Iran, Turquie, Arabie Saoudite..etc). C’est pour cela qu’il faut bien observer les événements en Amérique, en Asie, là sont les clefs. L’Union européenne n’assure que « l’entertainment » belliqueux sur fond de tragédie ukrainienne sans être la maitresse d’œuvre mais la déléguée. Une exception, le Royaume-Uni post-brexit qui prévoit des avions de combat et des missiles, Harpoon, Storm Shadow, non bridés dont l’impact serait plus rapide et plus fort que tous les discours autour des chars, lourds, lents à acheminer, chers en équipage mais avec ce danger d’empêcher Vladimir Poutine de poursuivre dans sa résilience, de reculer encore les lignes rouges…Bref arriverait le moment où à force d’escalade, on trébucherait…
S’installerait donc un décalage entre les États-Unis et l’Union européenne sur le dossier ukrainien. Pour les USA, l’Ukraine est un enjeux mais bien moindre que celui de l’Asie en général, de la Chine en particulier. Il leur sert à affaiblir la Russie et l’Union européenne, la première le sait, la seconde s’imagine de nouveau au balcon sans prendre garde, d’une part que plus le conflit durera, plus remonteront à la surface des revendications territoriales depuis la Finlande jusqu’à la Roumanie, en passant bien évidemment par la Pologne qui a soif d’Ukraine, d’autre part, que les États-Unis pourraient tourner casaque…
J’avais écrit dans un Seriatim, qu’il fallait répondre à deux questions : qui a amené à l’invasion de l’Ukraine, qui a, désormais, intérêt, à la poursuite de cette guerre ? L’Ukraine, n’étant étymologiquement qu’une frontière bornant une aire géographique devenue Etat en 1991, est donc par définition autant que par son histoire, l’objet de réclamation par tous ses voisins immédiats (Pologne, Biélorussie, Russie, Slovaquie, Hongrie, Roumanie/Moldavie) avec en supplément le rêve allemand depuis Guillaume II et un zeste de nostalgie ottomane depuis Ankara. S’affiche donc la différence entre les vues froidement géostratégiques américaines et les antagonismes historiques en Europe : les USA raisonnent mondialement l’Europe régionalement. Bref, nous ne jouons pas dans la même cour d’école !!!
La résolution du Républicain Matt Gaetz « fatigue d’Ukraine » s’entend comme une remontée isolationniste au sujet d’un fait si loin, en Europe bien à l’inverse de la sinophobie, elle, parfaitement fédératrice aux États-Unis comme le fut en son temps celle envers le Japon. Cette résolution n’est pas une nouveauté, elle est intervenue à chaque fois que les États-Unis se disputaient le sens de la doctrine de Monroe (1823) et de la destinée manifeste (1845) qui en était sa justification divine que certains virent comme prioritairement intérieure quand d’autres la jugèrent comme naturellement expansionniste. Or sur cette oscillation, la question asiatique actuellement chinoise est vue les Américains, de manière défensive : notre isolationnisme est menacé par Pékin et par conséquemment remet en cause la justesse de notre destinée manifeste. Tel n’est pas directement le cas pour l’Ukraine.
Dans les semaines à venir, nous verrons si la trainée de poudre ukrainienne exacerbera la fuite en avant bruxelloise (Kiev protégeant l’Europe de l’invasion russe) et si elle agrandira ou pas la « fatigue » aux USA à la veille de la campagne électorale pour 2024. Rappelons-nous, seulement, que Franklin Delano Roosevelt fit sa campagne de 1940 en s’appuyant sur la justesse de l’isolationnisme….
Sources :
https://seymourhersh.substack.com/p/how-america-took-out-the-nord-stream
https://gaetz.house.gov/sites/gaetz.house.gov/files/documents/Ukraine%20Fatigue%20Res.pdf
Jean Vinatier
Seriatim 2023
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