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mardi 28 mars 2023

Une « dissimulation profonde » : l’insondable duc de Marlborough par Clément Oury N°5661 17e année

 

Le Duc de Marlborough, John Churchill, le plus redoutable ennemi de Louis XIV, Paris, Perrin, 2022

Voir le film La favorite (2018): https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=241255.html

« Conférence de Clément Oury avec Nathalie Genet-Rouffiac

Admiré ou détesté, John Churchill, duc de Marlborough (1650-1722), est l’une des personnalités les plus controversées de l’histoire britannique. Issu de la petite noblesse désargentée, il parvient aux plus hautes fonctions grâce à ses talents militaires et diplomatiques, mais aussi à son art consommé de l’intrigue. Louvoyant entre les partis et les allégeances dynastiques, complotant contre les différents souverains qui se succèdent sur le trône d’Angleterre, il joue un rôle majeur dans le succès de la Glorieuse Révolution (1688), puis fait subir à Louis XIV les pires défaites de son règne durant la guerre de Succession d'Espagne (1701-1714), avant d’être privé de ses charges pour malversation. Ses objectifs, ses convictions, et même certains de ses agissements sont encore sujets à débat. Les sources, pourtant, ne manquent pas, Marlborough ayant été au centre de l’attention de tous les observateurs européens. Mais même dans sa correspondance, l’homme ne se laisse pas aisément dévoiler. Écrire sa biographie, c’est donc tenter de faire parler des archives aussi abondantes que contradictoires, partiales et souvent lacunaires. Comment peuvent-elles nous aider à comprendre les succès et à éclairer les zones d’ombre d’un homme qui a toujours cultivé, selon ses contemporains, une « dissimulation profonde » ? » 

Jean Vinatier Seriatim 2023

lundi 27 mars 2023

Macron aux syndicats : Canossa ou la matraque N°5660 17e année

 

Sur les conseils de l’Intérieur, Emmanuel Macron renonça à se rendre au stade de France où étaient les publics hostiles, il n’y eu donc pas de manifestation sauvage à Paris ce week-end. Les affrontements se déplacèrent en province à Sainte Soline où écolos et forces de l’ordre se livrèrent à de véritables combats : il n’était plus question de la contre-réforme des retraites mais d’écologie contre les grandes bassines. Ces ordres donnés de taper et de retaper étaient pour les Français un message, notre maintien de l’ordre sera plus dur qu’au moment des Gilets Jaunes : pour résumer, tout ce qui proteste, quel que soit le motif (sauf wokiste, indigéniste…etc) sera tétanisé…

Le rassemblement du mouvement Horizons d’Édouard Philippe présenté comme rassembleur du camp présidentiel avait des relents de parti versaillais : n’oublions pas qu’Édouard Philippe fulminait davantage qu’Emmanuel Macron contre les Gilets Jaunes et qu’il représente bien plus que le Chef de l’Etat le bloc bourgeois comme il le fut lors de la Commune en 1871. Sur le plan victimaire, le camp macronien donna de l’ampleur au « coming out » du ministre Dussopt , aux twittes et mails adressés , notamment, à Aurore Bergé et à la Présidente de l’Assemblée nationale : si leur contenu était odieux, il n’en fallait pas moins les porter à l’autel de la Victime pour émouvoir l’opinion publique…

La semaine à venir s’annonce puissante avec déjà quelques petits craquements, d’abord de la part de Jean-Luc Mélenchon qui aimerait un peu plus de modération, de Laurent Berger de plus en plus mal à l’aise au milieu de la rue qu’il craint. En réalité, tous redoutent la perte de contrôle des colères, des révoltes. Les syndicats ont allumé une mèche qui arrive vers des barils qui ne sont pas les leurs. Et c’est bien ce qu’Emmanuel Macron veut faire passer comme message, qu’il opte pour une répression politico-sociale existante depuis le 17 juillet 1791. L’Élysée est dans la logique historique d’un pouvoir de classe ou d’un corps électoral très mobilisé. Aujourd’hui (depuis 2017) et quoique minoritaire ce corps électoral s’impose dans les urnes face à une majorité abstentionniste et dispersée, à des partis opposés qui ne sont fédérateurs ni entre eux ni auprès des Français.

Emmanuel Macron, tout à fait assuré de la discipline policière et judiciaire, de l’approbation européenne et des fonds étrangers, se sent les coudées franches : il se vêt en Metternich ! Rappelons que le Congrès de Vienne (1814-1815) pour éviter le retour des calamités, prévoyait un soutien automatique entre les États confrontés à des révoltes : ainsi, les congrès de Troppau, de Laybach (1820-1821) lors des tensions dans les États italiens, l’Espagne, le Portugal.

.Nul ne peut savoir comment se déroulera cette nouvelle journée de manifestation si elle sera explosive ou bien une gueulante avec ici et là des groupuscules. Il est dommage que les intellectuels (il vrai majoritairement plutôt wokistes) et les influenceurs ne soient pas dans les rues (sauf Frédéric Lordon) : rien ne remplace le terrain et le contact physique avec les gens, idem pour les politiques trop peu publics. Cela manque, cela empêche la progression d’un corpus intellectuel indispensable pour aller plus loin que l’actuelle contre-réforme. Mais les Français ont-ils envie d’aller plus loin, Alain Bauer disait justement que la crise présente était dans la continuation de celle inaugurée par les Gilets Jaunes. Elle restait, néanmoins, à l’état de « bouillon » qui ne parvient pas à prendre. C’est là le résultat de la fin, d’idéologies dépassées, de la souveraineté, de l’idéal national, du monde liquide qui absorbe tout (on le voit avec les banques, les conflits), de l’abolition des distances qui empêche le recul…etc. Il est donc très difficile de se reconstituer, de retrouver des repères, de proposer une alternative politique…et puis la France est un pays de vieux (moyenne d’âge 47 ans !), un corps électoral à son image pleinement égoïste (il a joui de la Reconstruction, des Trente glorieuses….et même de Mai 68) soucieux seulement de la pérennité de la retraite : Bruxelles encourage la Lituanie à proposer un départ à 72 ans…. L’égoïsme du vieillard est terrible.

Ainsi, Emmanuel Macron assuré des médias entre les mains de ses soutiens électoraux tient la dragée haute, certain d’être le parti de l’ordre et des « honnêtes gens », après avoir bridé le parlement (47,1, 49,3) tient la dragée haute aux syndicats : Canossa  ou la matraque. Seul le Conseil constitutionnel pourrait jouer un rôle apaisant mais avec comme membres, notamment, Laurent Fabius, Alain Juppé, Jacqueline Gourault, le doute s’instille….

Dernier point Emmanuel Macron voudra-t-il aller au-delà de cette crise, c’est-à-dire la pousser à un point tel qu’il pourrait envisager une dissolution, en escompter une majorité  puis modifier la Constitution et donc envisager un troisième mandat… ? A suivre…..

 

 

Jean Vinatier

Seriatim 2023

dimanche 26 mars 2023

Vivre pauvre au temps des Lumières par Laurence Fontaine N°5659 17e année

Le sociologue Jean-François Lae, pour La vie des idées, fait la recension de l’ouvrage de Laurence Fontaine : Vivre pauvre…Quelques enseignements tirés de l’Europe des Lumières, Paris, Gallimard, 2023.

« Les salaires sous l’Ancien Régime permettaient difficilement de vivre de son travail. Nombreux étaient ceux qui devaient multiplier les activités pour joindre les deux bouts. L. Fontaine en fait un portrait saisissant.

Véritable plongée au cœur de la pauvreté du XVe, XVIe et XVIIe siècle, nous parcourons sur 495 pages des saynètes de rues, des accrochages et des négociations de dettes pour vivre, des échanges et des solidarités qui - comme une sorte d’enquête ethnographique - montrent comment les classes populaires aux quatre coins de l’Europe se débrouillent pour survivre. Comment le crédit est activé dans les moindres relations multipliant les petites affaires morales ? Comment circulent concrètement les biens, les personnes, les travaux, les réputations, les coups de main, les places pour éviter la diète ? Quelles en furent les conséquences sur les femmes et les enfants transformés en monnaie d’échange pour quelques mois en cas de maladie ou de décès ? Autant de questions sur l’établi de Laurence Fontaine qui, depuis 40 ans, nous explique que déjà les salaires de l’Ancien Régime ne permettaient pas de vivre. Que derrière les comptes au jour le jour, ce régime inégalitaire fut une terrible fabrique de mendiant(e)s dont nulle famille n’échappait. Que les dettes ne sont ni un invariant ni le monopole des usuriers, mais qu’elles circulent par chaîne à tous les étages des sociabilités et attachements des classes populaires, quels qu’en soient le lieu, l’âge ou le sexe.

Au dos des grandes histoires

Comment voir si précisément le grain des budgets ? C’est par une histoire pragmatique que l’auteur y parvient, en assumant une sensibilité aux détails des récits.

Habituée à croiser les sources - que ce soient les livres de comptes, les correspondances de simples marchands, les archives des notaires, les fiches des colporteurs ou les relevés de la maréchaussée - Laurence Fontaine tient solidement le fil rouge du crédit, le geste premier du pauvre, sur les trois siècles étudiés. Et d’écouter de plus près les petites élites locales qui cherchent des solutions pour réduire la pauvreté, à travers un concours lancé par l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Châlons-sur-Marne en 1777. C’est le concours du siècle ! 125 réponses, des milliers de pages écrites par les élites provinciales, des intendants des régions, des gestionnaires d’hospice, des militaires qui y vont de leurs constats et de leurs idées pour tenter de fixer un peu mieux ces flux circulant de journaliers-travailleurs-pauvres-mendiants-voleurs. Le concours de 1777 lance un appel à réfléchir « sur les moyens de détruire la mendicité en rendant les mendiants utiles à l’État sans les rendre malheureux  ». Chacun y va avec de nouvelles mesures, on plaide pour laisser les victimes mendier ou pour mieux organiser des quêtes. L’idée d’assurance pointe, à travers les calamités, comme la grêle ou l’incendie, sans parvenir à éclore.

Mais l’important n’est pas là. C’est l’occasion pour l’auteure de lire sous ces milliers de pages les portraits de budgets qu’elle cherche finement. D’où une multiplication d’histoires pour « sauver sa vie », une formidable foisonnement de courtes biographies offert par les bureaux de charité et des hôpitaux, des observations plus courantes venant des philanthropes et des palais de justice. Et à nouveau de les croiser avec d’autres sources de sorte à nous entraîner dans d’incroyables tournées entre Gênes, Venise, Bologne ou Florence ; d’Amsterdam à Bruges, Anvers, Bruxelles, La Haye ; de Madrid à Saint Pétersbourg ; de Rennes à Guingamp, Elbeuf ou Le Havre, Lyon à Paris.

Malgré cette étendue, l’échelle est à hauteur de l’individu.

Malgré cette vaste géographie, la combinaison est nourrie d’études de cas.

Malgré les comptes épars, il y aura reconstitution de la créance.

Le principe du choix opéré consiste à additionner les « figures » de dettes, de comptes, de liens familiaux, d’activités licites ou non, de métiers saisonniers pour confirmer que la pauvreté n’est pas une condition figée, une position définitive, une exclusion dirait-on dans un langage moderne. Tout bouge tellement que la notion de « classe » ne tient pas l’analyse tant elle suppose de choisir, ordonner et hiérarchiser, codifier en somme.

La thèse entend défendre une histoire « en dessous » des structurations supposées des marchés, non pas aux marges des corporations, mais dans un continuum entre mobilité, travail, mendicité, vagabondage, besogne, abandon provisoire d’enfant et hébergement d’occasion. Tous ces moments marchent ensemble nous dit Laurence Fontaine, toutes les pratiques sociales observables dans ces mille histoires présentent un tableau de mobilité dans lequel se bousculent les chertés des denrées et les occasions de travailler ; les fragilités selon les phases du cycle de vie et selon les sexes, les trajectoires de vie (mariage précoce ou tardif des parents, accidents et maladies), enfin suivant les secteurs économiques.

Combinaison d’activités”

La suite ci-dessous :

https://laviedesidees.fr/Les-miserables-de-l-Ancien-Regime.html

 

 

Jean Vinatier

Seriatim 2023

 

vendredi 24 mars 2023

Macron face aux Trois glorieuses ? N°5658 17e année

Même BFM a reconnu le net rebond des manifestants en province et à Paris, c’est peu dire ! Les violences et les affrontements étaient inévitables et sans doute se poursuivront-elles jusqu’au 28 mars, nouvelle journée de mobilisation. Une foule impressionnante chantant « Louis XVI, on l’a décapité, on peut recommencer » était saisissante, des bobos ( les louis-philippards ou thiéristes bio sur trottinettes )  insultés dans les rues…Si Anne Hidalgo se refuse, non sans logique, à faire ramasser les poubelles dans les rues, la préfecture a entouré l’Hôtel de ville de Paris d’une protection imposante, les édifices municipaux étant parfois pris d’assaut ou caillassés ou incendiés, Lorient, Lyon, Bordeaux…On observera que dans les départements où le RN est puissant, les défilés furent moindres….et l’on relèvera aussi l’absence des banlieues….

Emmanuel Macron savait que la colère serait là, en savait-il l’importance ? Il est arrivé très en retard à un sommet européen où comme le fera Black Rock, on lui demandera d’assurer l’ordre, quitte à faire feu sur la foule ? La police néerlandaise l’a fait...Si l’armée française, qui a déjà refusé de tirer sur les Gilets jaunes ne variera pas, dans les rangs de la police, il existe des individus odieux et nauséabonds pour cette tâche.

Dans son entretien de mercredi, Emmanuel Macron a dit attendre la décision du Conseil Constitutionnel, s’abritant derrière une institution capable de lui permettre une retraite démocratique. Cependant si le Conseil qui a un mois pour statuer, irait plus vite cette fois-ci, il y aurait la montée en puissance de la colère française d’ici le 28 mars. Les cris de « Macron démission » en sus de la référence à ce pauvre Louis XVI indiquent sans doute le moment proche de basculement des manifestations. Emmanuel Macron est sans doute le seul Président de la République à avoir accumulé autant de haine, une haine à laquelle il donne le bras….

Et maintenant ? Nous sommes au premier niveau de la révolte sans les barricades qui laissent la place aux groupes mobiles, une sorte de « guérilla » (les manifestants ne tirent pas encore), pour épuiser les forces de l’ordre. L’émeute serait une prochaine étape avant l’insurrection (basculement d'une partie des FDO) qui elle aurait des relents de « fin de Charles X ». Nous n’en sommes pas là car il reste à savoir si les Français prennent conscience ou pas après les Gilets jaunes, le COVID, une dette abyssale et maintenant cette contre-réforme des retraites sans omettre sa non politique étrangère, de la nocivité du successeur de François Hollande, d’un homme qui a dit que l’histoire de France n’existait pas, qu’il n’avait pas vu la culture française…qui considère l’anglais comme sa première langue, fait passer l’Europe et l’Allemagne avant la France…

A suivre !  

 

Jean Vinatier

Seriatim 2023

 

jeudi 23 mars 2023

Macron : les Français ne sont qu’une foule N°5657 17e année

 

Enfilant les bottes de Charles X, Emmanuel Macron ne surprend personne en maintenant sa réforme des retraites assuré d’une presse domestique, d’avoir des forces de répression qui s’autorisent tout, des magistrats pour taper plus fort encore qu’en 2018/2019, persuadé que les trente deniers donnés aux syndicats de pompiers, de routiers, de pilotes, de policiers le protégerait de tout blocage du pays, assuré aussi que les Républicains majoritairement le soutiendraient (Larcher, Ciotti, Marleix, Retailleau …etc) et qu’avec des projets de loi «  à la découpe » (loi sur l’immigration) il ferait plus facilement des majorités de circonstance, rendrait plus difficile la contestation dans et hors le parlement. C’est bien vu et retors. Les marchés financiers et Bruxelles applaudissent.

Emmanuel Macron accélère l’allure misant sur la division à terme des syndicats dépassés par les débordements populaires qui se produisent partout en France ; escomptant, surtout, que les Français n’ont plus cette résistance et cette capacité à mettre en place des sortes de « guérilla » ou opérations coups de poing, et pas davantage une résistance passive. Enfin, l’exécutif ne croit pas du tout à l’entrée massive des étudiants… Le message est clair en avant toute, pas d’immobilisme, je suis l’ordre, les Français ne sont qu’une foule…

Depuis 2017, Emmanuel Macron écrase, méprise, provoque joue tel un chat avec un mulot, s’amuse de nos maux, ainsi même complétement cramé à l’international, il fait le fier entouré de ses voltigeurs, les BRAV-M, des Républicains, assuré de la mobilisation de son électorat macron-centriste car n’en doutons pas une élection présidentielle aujourd’hui avec Marine Le Pen au second tour, il l’emporterait encore…grâce, notamment, à la gauche par son vote et à son abstention.

Je terminerai par un petit détail : plusieurs orchestres, à Lyon, à Lille, ont dit un message avant le concert sous les huées du public : autrefois les théâtres et autres salles étaient par excellence les lieux de la contestation, de l’indiscipline, aujourd’hui c’est le salon de tous les conservatismes…Enfin, un journal interrogeait des bourgeoises du VIe arrondissement de Lyon (c’est l’équivalent du VIIe à Paris) qui disaient que les Français devaient faire un effort. Une façon de dire que si les Français n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche1

 

Note :

1-phrase attribuée à la Reine Marie-Antoinette, elle est une fabrication.

Jean Vinatier

Seriatim 2023