Hier soir, une nouvelle fois, Arte a proposé un documentaire, Poutine en face, sur le thème comment les Européens n’ont-ils pas vu son côté diable impérialiste…Sans intérêt mais significatif de ce que les Européens sont devenus avec la politique américaine fondamentalement messianique : des États absorbés au point qu’ils ne se posent même plus la question…Ces mêmes européens prêts à raviver des questions territoriales si la Russie s’effondrait ou si l’Ukraine se défaisait ou mieux les deux, ne voient pas qu’ils courent après leurs propres bombes à l’instar de la Fed qui court après sa propre queue en remontant les taux tout en inondant de dollars les marchés alimentant l’inflation supposée combattue !
La venue de Xi Jiping à Moscou n’est en rien comparable au déplacement du Premier ministre japonais à Kiev : la première est un mouvement de fond quand le second essaie de gommer l’effet de l’autre…(pendant ce temps les ukrainiens se prennent les bombes). Ce voyage du premier chinois sera suivi par l’arrivée pour cinq jours à Pékin du Président Lula, aura son pendant par le forum Russie-Afrique infiniment plus porteur que le navrant voyage présidentiel français d’Emmanuel Macron qui n’a plus visiblement que la « diplomatie des bars parallèles » pour exister !
Les commentateurs au sujet de la rencontre sino-russe ont rappelé à ravir que la Chine et la Russie n’avaient pas d’alliance militaire : Pékin n’a qu’une alliance militaire et c’est avec la Corée du nord. On ne veut pas voir que bien des États ne procèdent de la même manière que nous. Une fois encore, il faut rappeler que la Chine n’a découvert les affaires étrangères, au sens ministériel du terme, qu’au XIXe siècle sur la pression des européens (traités inégaux).
On se plait à souligner les désaccords sino-russes en se basant sur un passé conflictuel tout à fait exact. Mais, la réalité et le pragmatisme font qu’aujourd’hui, ces deux puissances se rapprochent commercialement, monétairement, financièrement, technologiquement…etc qui sont bien au-delà d’une alliance militaire. Évidemment la Chine aide la Russie dans son conflit avec l’Ukraine-Otan mais ne livrera pas de chars, ne livrera pas ce qui se voit , ce qui permettrait alors aux euro-américains de faire de la communication négative.
La globalisation ou le mondialisme a installé l’interdépendance comme maxime qui ne devait être avantageuse que depuis Washington. C’est de moins en moins le cas, elle s’active aussi depuis l’Asie. Cette interdépendance qui devait fixer craque sous l’effet des flux dans les deux sens expliquant la tentative américaine de revenir à un protectionnisme.
Pour l’aire Atlantique (USA-Europe) l’inévitable montée économique de la Chine et de l’Inde qui dépassera celle allemande d’ici trois ans, celle japonaise avant 2030, et l’oscillation nouvelle de l’Arabie Saoudite accompagnée d’une reprise diplomatique avec Téhéran sont des montées des eaux bien plus rapides que prévues et si elles l’étaient, on n’imaginait sans doute pas à Washington que les méfiances et les antagonismes inter-asiatiques loin de créer des impasses ouvriraient des nouvelles routes. De toute manière, se posait d’entrée le constat qu’entre une Chine (Asie) qui veut accéder à la première place et les États-Unis qui veulent la garder, se positionnaient deux puissances, l’une dans offensive associative , l’autre dans la défensive dynamique….Et si les États-Unis sont encore l’hyperpuissance , elle ne l’est aussi que par sa capacité à acheter les « cerveaux » étrangers, sans eux, la faiblesse serait plus criante. En réalité ce qui se découvre ou se dévêt, c’est pour l’aire Atlantique l’impuissance de la puissance dans un monde clôt et globalisé. L’intelligence serait que mondialement s’établisse dans des nouveaux traités de Westphalie (1648) ou un congrès de Vienne (1814-1815), le principe intangible de l’équilibre entre les puissances continentales, chacune d’entre elle ayant en elle leur propre relation équilibrée.
Pour l’heure face à l’automne géopolitique de l’aire Atlantique, s’épanouit le printemps géopolitique des autres continents via, notamment, les BRICS, l’OCS…que l’idée japonaise tout à fait néo-impériale depuis Tokyo, d’un axe indopacifique apparait bien faible où la France voudrait y jeter sa dernière carte (Nouvelle-Calédonie, Polynésie…etc) sans avoir d’ailleurs le soutien européen…A suivre
Jean Vinatier
Seriatim 2023
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