A Ganges, outre le comité d’accueil, étaient aussi en grand nombre les casseroles après lesquelles les gendarmes couraient afin de les saisir : ordre du préfet ! Faire entendre par le bruit incessant et répétitif son mécontentement est vieux comme Hérode…Toujours est-il que des arrêtés préfectoraux pour bannir les ustensiles de cuisine comme s’il s’agissait d’armes de guerre à quelque chose de ridicule, révélateur, aussi, d’une certaine servilité de la haute fonction publique : « Il pourrait être dans l’intérêt de l’administration que chacun prenne ses responsabilités. Mais contraindre un dirigeant à assumer les siennes serait, en termes de carrière, un véritable suicide. »1
L’intention d’Emmanuel Macron étant de refaire ce qu’il fit après les Gilets jaunes : débattre (c’est-à-dire, qu’il imposait son monologue) en chemise blanche, les manches retroussés à la façon d’Obama, les cocottes minutes siffleront. Or, le successeur de François Hollande persuadé qu’il peut manipuler, endormir, engourdir les gens et que même s’ils l’invectivent, il saura par une formule MacKinsey retourner la situation, la répétition des bruits n’en sera que plus constante et forte.
Je me souviens d’un événement historique survenu en Espagne à la Pâques de 1766 : le ministre réformateur de Charles III, le marquis de Squillace qui menait une politique éclairée, perturbait et heurtait bien des intérêts sur fond d’un ressentiment nationaliste. L’installation de la maison de Bourbon sur le trône espagnol en 1700 était encore assez fragile : bien des Espagnols considéraient les rois de cette nouvelle dynastie comme « étrangère ». Cet agacement se doublait d’une lassitude d’avoir des ministres italiens. Or Charles III d’abord roi de Naples et de Sicile les amena avec lui en 1759. Pour des raisons de sécurité publique, Squillace prit une mesure de police prohibant le sombrero et la cape longue qui masquaient les visages au profit du tricorne et de la cape courte. Perçue comme une atteinte aux usages espagnols tout le pays s’enflamma au point que Charles III, fuyant Madrid, se sépara de son ministre, mettant un terme aussi à la présence d’étrangers dans les gouvernements à venir :
« exil de Squillace et de sa famille, le marquis devant être expressément renvoyé en Italie,
renvoi des ministres d'origine étrangère,
dissolution de la Garde wallonne,
baisse du prix des produits d'alimentation,
disparition des Conseils de ravitaillement,
retour des troupes dans leurs quartiers,
retrait des réformes vestimentaires,
que le roi assiste personnellement aux requêtes que voulaient lui présenter la foule. »
Ce détour par l’histoire espagnole pour écrire que cette (contre) réforme des retraites est bien regardée en France comme une mesure étrangère (fonds de pension mondiaux, Bruxelles…etc) que c’est quelque chose de contraire à notre histoire. A force, à la fois, de tourner la page et de remettre sur le tapis d’autres projets qui seront observés comme une suite de ce qui rend les Français mécontents, le pouvoir risque de démultiplier une crise au lieu de la circonscrire : 78% de nos compatriotes ont estimé l’intervention élyséenne médiocre !
Maladroitement le pouvoir s’est donné cent jours pour arriver à ses fins ; or, les Cent jours remémorent une fin de règne définitive à la suite d’une défaite. L’exécutif se met dans les pas de l’abdication ce qu’il ne veut évidemment pas. Mais voilà, et la France connaît chaque jour des manifestations sauvages : des petits nombres surgissent ici et là, fondent sur une rue pour en disparaitre aussitôt, la police courant après. Hier à Paris, du Louvre aux Invalides en passant par Montparnasse, j’assistais à ces mouvements policiers (cars, motards) et découvrais les abribus détruits, poubelles brûlées. Un désordre se met en place. Quelle en sera l’évolution ?
Une chose est presque certaine, le tintamarre fait l’entrée et la sortie des villes du cortège présidentiel au point de devenir un charivari malgré les distributions d’argent à telle ou telle catégorie professionnelle : aujourd’hui les enseignants, demain une autre, la BCE assurant l’abondance monétaire…
Note :
1-Voghera (Giorgio) : Comment faire carrière dans les grandes administrations, Paris, Allia, 2021
Jean Vinatier
Seriatim 2023
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