On s’épargnera la querelle de savoir si la prise de Bakhmut par la Russie est une victoire ou si la résistance ukrainienne y fut une gloire car, désormais, les deux acteurs officiels au conflit ont un objectif en commun : tenir jusqu’aux présidentielles américaines de novembre 2024.
Pour la Russie, Vladimir Poutine mise évidemment sur le candidat Donald Trump qui a rappelé à maintes reprises que ce conflit n’avait pas sa raison d’être. Pour l’Ukraine, Vladimir Zelensky estime que plus il marquera des points plus il rendra plus difficile un revirement américain. En effet, on sait que la présidentielle américaine est largement le moment où les USA se renferment sur eux-mêmes et bataillent généralement sur des thématiques très intérieures, dont l’isolationnisme. Cet isolationnisme est aujourd’hui moins puissant mais il existe, il est dans l’ADN de la première puissance ce qui est, convenons-en quelque peu paradoxal…En plus des Usa, l’Union européenne jouera un rôle déterminant : à savoir le cas échéant prendre le relais américain le temps de la campagne présidentielle, libérant ainsi le candidat de la Maison Blanche. L’accélération des fournitures, les assurances financières pleuvent comme à Gravelotte sur l’Ukraine. Pour Bruxelles, il s’agira aussi, en cas de victoire de Trump ou d’un autre Républicain, d’empêcher un repli washingtonien. Ce relai militaire européen qui est largement dans les raisonnements bruxellois doit aussi libérer les assauts des candidats des deux partis américains contre la Chine, la Chine, une puissance qui fait l’unité contre elle.
Si du côté euro-atlantique les scenarii se mettent en place qu’en est-il du côté russe ? Une fois de plus la Chine détient la clef de la suite des événements. Son intérêt serait bien de faire en sorte que la Russie ne s’affaisse pas afin que les euro-atlantiques trop investis en Ukraine ne puissent pas se déployer aussi puissamment contre Pékin sur la question de Taïwan et placer suffisamment d’obstacles sur les « routes de la soie ». Les BRICS sont un embryon, une association purement mercantile avec en ligne de mire une création de monnaie commune. Inévitablement, parce que le dollar ne serait plus utilisé dans leurs échanges, ils susciteront les sanctions américaines et devront donc s’engager sur la voie géopolitique. Les BRICS à l’instar des autres OCS et association des pays d’Asie centrale ne pourront pas faire l’économie d’un affrontement (pas forcément militaire) avec les USA et l’Europe, désormais complétement arrimés. Leur neutralité ne résistera pas au messianisme du dollar : on ne défie pas « Dieu » au risque de l’enfer…
Un autre élément intervient, celui de la globalisation/mondialisation du monde créant une interdépendance telle que même un acteur universel supporterait mal des dommages collatéraux de sa remise en cause. A cette mondialisation se greffent les idéologies mondialistes/globalistes qui muraillent le monde, bloquent les répétitions de conflits mondiaux classiques. Quelque part, chacun des acteurs est contraint de se raboter. A cet égard, l’Ukraine aurait pu tout à fait être un enclenchement militaire comme en 1914 (même si n’existent plus les systèmes d’alliances de cette époque). Mais deux éléments au moins l’empêchèrent : la problématique de la mobilisation générale, les contacts continus entre les services qui travaillant dans l’ombre suppléant largement aux raideurs publiques des belligérants, pratiquant une diplomatie secrète qui culmina au XVIIIe siècle. A ces points s’ajoute l’idée même de guerre déclarée à une large échelle rendue plus délicate par l’existence même d’armes transcontinentales : dans le monde clôt plus personne n’est hors de portée !
A cet égard, le paramétrage du conflit russo-ukrainien est un moment qui enseignerait bien sur l’hypothétique affrontement entre la Chine et Taïwan, où tant à Taipei qu’à Pékin on répète qu’une seule Chine existe, que les chinois s’affronteraient alors entre eux dans une guerre civile ce qui serait différent de la guerre entre les russes et les ukrainiens où ces derniers via les USA se bâtissent une nation censée n’avoir jamais été russe et moins encore russifiée : se crée alors artificiellement mais tragiquement, une nation sortie des cartons sur fond d’éléments historiques collés les uns avec les autres : jusqu’en 1938, par exemple, un Trotski depuis son luxueux exil mexicain n’avait jamais vu de nation ukrainienne, pas davantage Staline ou Khrouchtchev qui joignit une Crimée pour des questions intérieures à l’URSS.
Les mois à venir jusqu’à l’été 2024 feront l’objet de manœuvres multiples à l’échelle mondiale, l’intérêt pour la majeur partie du monde étant une circonscription des combats, un refus des extensions…Les JO de 2024 marqueront-ils l’épuisement général ?
Jean Vinatier
Seriatim 2023
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