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dimanche 9 juillet 2023

Philippe IV le Bel : « De fer et de France » N°5698 17e année

 

Pour La vie des idées, Damien Larrouqé fait la recension du livre de  Jacques Krynen, Philippe le Bel, la puissance et la grandeur, Gallimard, Paris, 2022

 

« Souverain détesté de ses contemporains, roi honni des mémorialistes et personnage infâme de la littérature populaire, Philippe IV le Bel apparaît, sous la plume de Jacques Krynen, comme l’un des fondateurs de l’État moderne.

 

Le roi sanctifié

 

Les amateurs d’histoire connaissent Philippe le Bel pour avoir persécuté les Templiers, fait gifler le Pape et expulsé les Juifs du royaume. Ceux qui affectionnent la littérature l’associent surtout au premier des Rois maudits de la saga de Maurice Druon, celui que Jacques de Molay, depuis le bûcher qui s’apprête à le dévorer, « cite à comparaître avant un an devant le tribunal de Dieu » et condamne à la damnation, avec sa descendance, pour treize générations... Par-delà le mythe d’un monarque cruel et bouffi d’orgueil, le médiéviste Jacques Krynen nous invite à voir la réalité d’un souverain intraitable certes, imbu du prestige de descendre de Saint Louis sans nul doute, mais dont la vision du pouvoir, les considérations politiques et leurs matérialisations juridiques et institutionnelles dépassent, de très loin, ses quelque trente ans de règne (1285-1314). Entouré de légistes et autres théoriciens du droit, Philippe IV le Bel est un fondateur d’autorité. Sous sa férule, ont été jetées les bases de l’État moderne, imposés les attributs de la souveraineté absolue et esquissées les prémices d’une laïcisation du pouvoir. C’est ainsi en tant que précurseur du centralisme, de l’absolutisme et du gallicanisme (mise sous tutelle de l’Église nationale) qu’il aurait, selon l’expression consacrée, « fait la France ».

Comptant autour de cent cinquante pages à peine, ce livre n’est pas une biographie de Philippe IV, encore moins un précis juridique en forme d’abrégé d’histoire du droit. Expurgé de toute note de bas de page, mais s’appuyant sur un vaste corpus de traités latins, il s’agit plutôt d’un essai intellectuel bâti autour de la figure d’un monarque capétien singulier, dont l’œuvre politique nous éclaire sur les composantes et, plus encore, sur les mutations du pouvoir médiéval.

Solidement étayée et, dans le même temps, magistrale de concision, cette réflexion se lit comme une œuvre de vulgarisation érudite, à la fois passionnante et très instructive. Jacques Krynen met notamment en lumière les logiques institutionnelles que le règne de Philippe le Bel a engendrées et qui annoncent celles en vigueur sous Louis XIV, Napoléon ou même de Gaulle. Ces dynamiques structurelles scellent la force de l’État et consacrent l’autorité du pouvoir, au nom d’un intérêt supérieur à la personne qui les incarne, à savoir le prestige de la Nation ou la gloire de la France. Comme en atteste le sous-titre, « la puissance et la grandeur », l’auteur entretiendrait, à cet égard, un certain rapport hagiographique vis-à-vis de ce personnage – qui a minima le fascine – et dont il participe à la réhabilitation historique. Philippe le Bel apparaît ici moins comme un roi maudit qu’un souverain sanctifié

.

Un monarque mal-aimé des chroniqueurs »

 

La suite ci-dessous :

 

https://laviedesidees.fr/De-fer-et-de-France

 

Jean Vinatier

Seriatim 2023